Mots d'ouverture de la Directrice de la Commission d'organisation du congrès 2019, Sharon Zvili-Cohen
Tel-Aviv, le 1 juin 2019
Nous vous souhaitons la bienvenue au congrès de la NLS – ¡ Urgent !
Nous sommes heureux de vous voir aussi nombreux pour participer aux travaux sur le thème de l’Urgence ; sujet si pertinent et si proche. Nous voudrions tout particulièrement remercier Barbara Wolffer, directrice de l’Institut français, Nurith Aviv, et tous nos invités qui nous honorent de leur présence.
Nous souhaitons également la bienvenue à Angelina Harari, présidente de l’AMP, à Domenico Cosenza, président de la EFP, et aux présidents des Écoles européennes.
Nos remerciements vont aussi tout spécialement à Éric Laurent pour sa contribution et pour son soutien aux travaux de notre École pendant les prochains jours.
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¡ Urgent ! Le XVIIe Congrès de la New Lacanian School, fondée en 2003 et regroupant des Sociétés et Groupes sensiblement éloignés les uns des autres, accueille cette année pour la troisième fois son congrès à Tel-Aviv. Cette année, à côté des langues officielles de la NLS, le français et l’anglais, nous avons voulu donné une place aux langues locales, à l’hébreu et à l’arabe.
Aboutissement d’une conversation au sein de notre communauté à la suite du projet de loi sur l’État-nation, la suggestion d’ajouter la langue arabe à la traduction a été faite au Comité exécutif de la NLS. Le projet de loi sur l’État-nation est une loi fondamentale récemment inscrite dans la législation israélienne. Elle précise notamment que la langue hébraïque est la « langue du pays », tandis que l’arabe est « une langue à statut spécial ».
Entre le « Maître » et « l’exception », où vous situez-vous ? Comment allez-vous vous positionner ?
La psychanalyse nous enseigne qu’aucune loi ne peut gérer le lien intime que chacun a avec le langage et la manière singulière de se situer dans la diaspora du langage.
Quiconque fait l’expérience d’une psychanalyse orientée par Jacques Lacan et Jacques-Alain Miller sait que parler n’est pas un acte automatique, et que la manière dont chacun se trouve empêtré et s’extrait de l’Autre s’incarne dans cet acte même. C’est à partir du corps qu’il est possible de poser l’acte de parler, acte qui revient au corps et le constitue en tant qu’Autre.
Le discours psychanalytique est un lien social unique. Ce n’est pas un lien direct de cause à effet, et en tant que tel, cela constitue un lieu de vie, un lieu qui dépasse le lieu où l’on vit.
Dans l’une de ses formulations récentes, Éric Laurent présente l’inconscient comme une bande de Möbius intégrée dans la faille de la civilisation, il y introduit quelque chose qui n’est pas de l’Idéal.
Avec cette bande de Möbius, nous pouvons situer le lien qui se forme entre le sujet et l’Autre de telle manière que l’intérieur et l’extérieur ne soient pas les deux côtés d’une barricade, mais soient au contraire attirés l’un par l’autre, et faisant plutôt obstacle à la séparation ségrégative ; les deux côtés d’une barricade qui soient reliés à la politique de l’École qui invite à frapper à la porte de l’intérieur.
Pour moi, l’urgence s’est faite sentir lorsque j’ai réalisé que le pari pris par la NLS d’organiser un congrès en quatre langues pourrait bien s’avérer être une chimère. Peut-être les gens ne viendraient-ils pas entendre les quatre langues !
Ce qui m’a permis de me réveiller, c’est le fait que la psychanalyse est vivante en Israël depuis plus de trois décennies. Une communauté qui travaille et qui dure depuis un moment. Une communauté de psychanalystes installée durablement. Un espace est laissé à l’expérience analytique et à la conversation concernant la formation du psychanalyste au sein de l’École. L’éthique de la psychanalyse se répercute sur les institutions de la santé mentale grâce aux nombreux analystes qui travaillent, d’une manière ou d’une autre, au sein des institutions existantes, aux côtés d’institutions nouvellement inventées, nées du discours psychanalytique, faisant place, entre autres, à la langue arabe et l’hébreu.
Il n’est plus possible d’effacer ce qui ne peut pas être effacé. L’invention freudienne a créé un trou dans l’universel ; là où il n’y avait pas de discours préalable, l’inconscient pouvait faire son entrée. C’est le traumatisme auquel se réfère l’enseignement de Lacan, nous dit Jacques-Alain Miller dans l’une des leçons retenues pour la préparation du congrès.
Les conséquences de ce trou dans l’universel, de ce traumatisme, sont ce qui rend possible la création d’une telle praxis radicale, formulant chaque fois à nouveau l’inconscient.
Je souhaite remercier Bernard Seynhaeve, président de la NLS, qui a fait preuve de suffisamment de discernement, de même que le comité exécutif de la NLS, pour sortir une initiative hésitante de son anonymat, en lui attribuant un nom appartenant à l’École. Ce fut un plaisir pour nous de travailler avec vous. Merci à tous ceux qui ont pris part à la préparation et aux travaux de ce congrès, et bien sûr à ceux qui se sont déplacés à travers les continents pour être ici aujourd’hui. Joyeux travail !