Enseigner – un cas impossible en urgence permanente
Enseigner – un cas impossible en urgence permanente
Ruth Bengio
« Tafsan » en Hébreu signifie l’accrocheur, l’attrapeur, l’attrape-cœur. Cet accrocheur au Tafsan à deux faces ; celle de l’attrapeur de l’adolescent et celle de s’accrocher à son désir et ne pas céder sur son désir d’attraper l’adolescent qui est en chute. Il s‘agit d’un savoir-faire en urgence, d’aller à la rencontre de l’adolescent, d’aller à la rencontre du symptôme de l’élève, de dire oui et non en même temps. Tafsan est un lieu en chemin qui vient à la rencontre de celui qui erre dans son chemin.
L’exil dans la langue de S
S. à 13 ans, il est dans un collège français-arabe-israélien. En cours d’hébreu il répète continuellement qu’il n’est pas fort en hébreu, qu’il ne sait pas bien parler cette langue mais par contre en anglais il est très bon. Il aime parler en anglais. S. a décidé de ne rien faire en Hébreu. Il ne travaille pas, il ne fait rien. Il est sympathique et en même temps agaçant, tient des conversations avec ses amis en anglais et en arabe pendant le cours d’hébreu. Je ne comprends pas pourquoi il tient son discours de ne pas connaître l'hébreu alors qu'il le parle couramment.
Un jour lors des travaux personnels en classe, je le regarde et je me demande comment il va tenir 1 h 30 sans rien faire. C’est l’urgence d’une intervention qui surgit en moi, une invention qui lui permet de trouver ensuite sa réponse a l’étude de l’hébreu. Je l’appelle et je lui dis : « tu feras ce devoir en anglais. » C’est alors qu’il commence à bégayer en me disant : « Mais on est en cours d’hébreu, comment ça ? » Je lui réponds : « Tu ne connais pas l’hébreu n’est-ce pas ? Mais tu connais l’anglais ? » Il me répond oui avec fierté et donc je continue en lui disant, « alors tu liras le texte en hébreu et tu écriras les réponses en anglais. » S. s’est mis au travail sans dire un mot. Le lendemain je le rencontre et je lui dis : « Alors comme tu as fait un bon travail, tu prépareras ton prochain exposé en anglais si tu veux. » Il me répond et me dit tout content : « non ! C’est bon je vais l’écrire en hébreu, je vous l’amène demain. »