Urgence subjective et objet petit a
Urgence subjective et objet petit a
Frank Rollier
Dans « Le temps logique…», Lacan parle de « l’urgence du moment de conclure [1] ». En bas latin, urgens est ce qui ne souffre pas de retard. Ce moment, propose J.-A. Miller, comporte une « inversion subite » de l’attente en urgence, qui est « prescrite par la structure signifiante elle-même » car il y a alors « du manque dans le signifiant ». Ce manque sera « supplémenté » par l’urgence de la conclusion, donnant ainsi à la hâte, à l’urgence, « le statut d’un objet petit a [2] ». Qu’est-ce que cela indique ?
L’objet petit a est un concept qui « insère la vie dans la chaîne signifiante mortifiée [3] », ce dont rend compte en particulier le mathème du fantasme. Urgence rime donc avec vie, ce que Lacan souligne lorsque il traduit la formule de Freud, die Not des Lebens par « l’urgence de la vie [4] ». Il note aussi qu’il n’y a « rien de créé qui n’apparaisse dans l’urgence…[5] ». L’urgence de la vie colore l’urgence subjective, puis la cure elle-même.
Mais ce statut d’objet petit a indique aussi une « perte [6] ». Dans l’urgence, le sujet se sépare d’un état d’angoisse et de perplexité causé par une rupture traumatique de la chaîne signifiante. L’urgence subjective a le caractère d’un acte qui est une ouverture vers l’Autre : « … rien dans l’urgence qui n’engendre son dépassement dans la parole [7] ». Ce mouvement qui va contre la passion de l’ignorance et éloigne du passage à l’acte, est une urgence à dire. L’angoisse du sujet peut alors commencer à s’apaiser.
1 Lacan, J., « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », Écrits, Seuil, Paris, 1966, p. 206.
2 Miller, J.-A., « L’orientation lacanienne. Les us du laps », leçon du 17 mai 2000.
3 Miller, J.-A., « Biologie lacanienne », La Cause freudienne N° 44.
4 Lacan, J., Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Seuil, Paris, 1986, p 58.
5 Lacan, J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, op. cit., p. 241.
6 Lacan, J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, Seuil, Paris, 1991, p. 13.
7 Lacan, J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, op. cit.,