L’urgence de l’entrée en analyse
L’urgence de l’entrée en analyse
Anne Béraud
Le voile du fantasme s’était déchiré. Il fit défaut à me protéger contre le réel de l’angoisse. L’objet sans représentation venant boucher le manque, l’angoisse surgit. Ce premier instant de voir traumatique, branché sur l’inconscient réel, me mena à l’analyse dans l’urgence d’en sortir, c’est-à-dire dans un premier temps de le voiler en rétablissant la chaîne signifiante S1-S2, avec du sens.
Je me précipitais donc à vingt-quatre ans chez un analyste après la rupture d’une passion amoureuse qui avait duré quatre ans. Les coordonnées de la séparation avaient mis à nu le fantasme. Lors de l’ultime scène, c’est dans la rue que, m’accrochant à lui, il a dû me jeter. Le scénario fantasmatique était complet : me faire voir comme objet jeté. Pour extraire cette phrase, des années d’analyse parsemées des embûches du ravage maternel et de sa répétition dans ma vie conjugale seront nécessaires.
Vivre en couple m’avait confrontée à l’insatisfaction qui ne laissait pas de place pour l’impossible, et à ma farouche volonté de faire exister le rapport sexuel. Je voulais, par-dessus tout, cette complémentarité du désir et de l’amour avec un homme. Je me heurtais à cet impossible sans nom qui me déboussolait. Cela m’enrageait et donnait consistance à un mur que je situerai ensuite entre ma mère et moi. Mon accrochage symptomatique à l’Autre via l’acharnement à faire consister le mur du rapport sexuel, était l’écho d’un événement traumatique précoce, qui s’est ensuite noué à deux énoncés, l’un maternel, l’autre paternel qui permirent la construction du fantasme.